A l’ère du numérique, des éditeurs de logiciels ont mis au point une panoplie de progiciels pour automatiser et faciliter le travail des comptables. Mieux, grâce au fulgurant succès du réseau Internet, des plateformes ont été développées pour permettre aux entreprises de tenir leur comptabilité, directement en ligne. Plus intéressant encore, ces outils sont de plus en plus accessibles sur les terminaux mobiles ; ce qui permet aux entrepreneurs de tenir leur comptabilité et d’accéder à leurs données partout et à tout moment, parfois via le cloud. Sur la même lancée, certaines applications prétendent pouvoir se substituer à l’aide comptable, au comptable, et à l’expert comptable. Tout semble aller si vite et apparemment si bien qu’on peut légitimement s’interroger : allons-nous vers la mort du métier de comptable ? La comptabilité pourra-t-elle se passer de l’humain ?

Un contexte plus que favorable

L’économie évolue au rythme des progrès techniques et technologiques. Les automatisations ont permis aux industries de décupler rapidement leurs productions ; une kyrielle de tâches répétitives étant littéralement automatisée. A l’avènement de l’informatique, les entreprises audacieuses qui ont su l’incorporer à leurs stratégies de gestion et de développement, ont connu un succès phénoménal. Quand Internet, le réseau des réseaux, s’est démocratisé, il a admirablement revolutionné le commerce et les services. La vente à distance par correspondance s’est vite muée en commerce électronique et en commerce mobile avec un succès qui ne cesse de repousser ses propres limites.

C’est ainsi, qu’une économie en ligne s’est développée avec une vitesse et une importance rarement égalées. Les entreprises qui y évoluent ont dû élaborer des manuels de procédures comptables adaptés, et tenir une comptabilité conséquente avec l’aide d’outils robustes comme les « chatbots », en raison du nombre très élevé de pièces comptables à conserver et de la panoplie d’écritures à enregistrer. Cela dit, les entreprises qui n’évoluent pas sur la toile sont, elles aussi, débordées par la paperasse. A moins de disposer d’un département comptable, il n’est pas facile de faire face aux déclarations fiscales, sociales et autres exigences administratives.

Une nécessaire automatisation

Face à la légendaire réticence des entités traditionnelles (banques, administrations, …), les entreprises évoluant sur la toile ont dû, elles-mêmes, créer les conditions de leur essor. Des organisations professionnelles expertes ont dû trouver les solutions (outils bureautiques, services financiers, y compris moyens de paiement et comptabilité en ligne) leur permettant d’interagir les unes avec les autres, d’attirer, de répondre à une clientèle sans cesse croissante et de s’auto-suffire. Découvrant le potentiel énorme d’internet en termes de marché (plus d’un milliard d’utilisateurs), les TPE et PME locales, les grandes entreprises et les multinationnales s’y sont ruées. Petit à petit, elles en ont compris les rouages et la nécessité de s’adapter également, en harmonisant leurs procédures managériales, marketing et comptables.

Logiciels et plateformes de comptabilité : une offre française à la hauteur des attentes

En matière de logiciels et de plateformes de comptabilité, l’offre française est à la hauteur des exigences. On peut même dire qu’elle est étoffée avec des acteurs comme Zefir, Zervant, Intia, ClicFacture et grâce à des éditeurs comme EBP et Ciel (devenu filiale du groupe SAGE depuis 1992) qui ne lésinent pas sur les moyens pour proposer ce qu’il y a de mieux à leur clientèle composés d’artisants, de TPE, de PME et même de grandes entreprises. Entre autres innovations, l’éditeur Sage intègre un chatbot dénommé Pegg à sa plateforme de comptabilité. Pegg offre une interface de chat permettant aux utilisateurs, comptables ou entrepreneurs, de connaître rapidement l’état des dépenses, des factures, des flux de trésorerie et des délais d’impositions.

Pegg a été adopté par la quasi-totalité des utilisateus en raison de sa capacité à automatiser les travaux lassants comme les rapports de dépenses et les déclarations de revenus. Son usage devient presque ludique car il met la nomenclature comptable à la portée de tous. Si l’utilisateur pose la question « qui me doit ? » à Pegg, le robot ira fouiller dans les données comptables afin d’indiquer le montant des factures impayées, leurs échéances et les contacts des débiteurs.

Intuit, leader mondial avec QuickBooks

Les éditeurs français partagent le marché des logiciels de comptabilité et de gestion avec des acteurs comme Intuit, leader mondial qui s’arroge plus de 80 % du marché américain. Avec 7500 employés et un chiffre d’affaires de 2,04 milliards de dollars pour l’année 2005, Intuit, qui a su développer des outils de gestion telles que QuickTax, Quicken Personal Finance et QuickBooks, ratisse si large qu’il intéresse Google. Le géant n’hésite pas à lui proposer un partenariat technologique, notamment pour son logiciel de comptabilité QuickBooks.

Sur le marché très ciblée de la finance et de la comptabilité, le duo propose la version 2007 du logiciel comportant 25 services et produits grâce auxquels des TPE, des PME voire des grandes entreprises réussisent, de manière autonome, via la suite bureautique G suite de Google, à enregistrer les horaires de leurs équipes d’employés, à promouvoir leurs activités, à accepter et à gérer aisément les paiements en ligne par des cartes bancaires. En 2015-2016, Intuit qui compte 8200 employés répartis dans le monde (Etats-Unis, Inde, France, Brésil, … quasiment partout où se trouve sa clientèle) enregistrait plus de 5 millions de clients TPE/PME pour un chiffre d’affaires de 4,69 milliards de dollars. Selon les statistiques, en 2017, 30 à 40 % de la clientèle de Quickbooks sont utilisateurs de G suite de Google.

Logiciels Open source de comptabilité et exigences légales

Les logiciels et plateformes propriétaires de comptabilité sont mis au point par des éditeurs bien connus (EPB, SAGE, Intuit, …) qui en garantissent la sécurité et la fiabilité. A côté de ceux-ci, des logiciels open source, gratuits, tels que Odoo, Grisbi et Dolibarr sont aussi utilisés par une foule d’artisans, d’auto-entrepreneurs et de petites entreprises, par principe ou par commodité.

Le mode de fonctionnement est assez simple : chaque utilisateur peut, à sa guise, en modifier le code pour des questions de personnalisation, de conformité et de sécurisation. Mais l’open source pose un problème majeur pour le fisc : celui du risque élevé de fraude fiscale. C’est pour minimiser ce risque que la loi de finance recommande une certification d’un organisme accrédité. Le certificateur devrait être le dernier développeur contributeur ayant modifié le code du logiciel open source. Il peut s’agir de l’entreprise utilisatrice elle-même, si elle en vient à modifier le code pour son usage.

Fiabilité, confidentialité et sécurisation des chiffres : pierre d’achoppement

A la vérité, les comptables sont loin d’être réfractaires au changement qu’apportent les logiciels et plateformes de comptabilité. Au contraire, ils les adoptent avec la plus grande prudence, afin que la transition soit la meilleure possible. La comptabilité n’est guère fermée au changement comme beaucoup de promoteurs de logiciels de gestion le laissent penser.

Au contraire, l’histoire de la comptabilité montre que les pratiques du métier de comptable s’adaptent bien. En effet, si dans l’Antiquité, les enregistrements se faisaient selon un principe dit de la partie simple et sur des roches, le 15ème et le 16ème siècles verront respectivement la renaissance de la comptabilité avec l’adoption de la partie double grâce à l’Italien Luca Pacioli (1447-1517), et l’apparition du bilan. L’enregistrement chronologique et le compte de résultat apparaîtront plus tard dans la sphère de la comptabilité.

Cela dit, le changement s’effectue en douceur mais surement. Toutefois, l’exactitude des chiffres, leur fiabilité ainsi que la sécurisation et la confidentialité des comptes de fin d’exercice constituent un problème épineux que doivent résoudre les comptables et leurs fournisseurs de logiciels. Les problèmes de faille de sécurité, de piratage de données, maintes fois rapportés par les médias ne sont pas de nature à rassurer. La prudence reste de mise malgré le battage médiatique et le marketing incisif des promoteurs de logiciels de comptabilité.

Vers un renouveau du métier de comptable

N’est pas comptable qui veut, mais qui en a les aptitudes et en a reçu la formation. De même qu’on troque le tableau noir des écoles par des écrans d’ordinateurs ou de terminaux mobiles, de même les comptables vont passer de la méthode traditionnelle aux plateformes en ligne, au Cloud. Tout est une question de temps, d’adaptation et de confiance. Et dire qu’on s’achemine vers la mort du métier de comptable est tout simplement erroné car il faudra toujours des spécialistes en comptabilité, pour réussir les implémentations logicielles et pour s’occuper des comptes des entreprises. Les entrepreneurs ne sauraient se passer véritablement des comptables car c’est eux qui sauront lire convenablement les chiffres, déceler les erreurs éventuelles et, au besoin, apporter les actions correctives appropriées. Vous l’aurez compris : même si on en dit du bien, les robots comptables restent encore très limités par rapport aux humains.